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Une odeur terrible imprègne ces pages admirables. Un souffle pur, comme celui de la mer, traverse ce texte.
L'odeur est celle de la pestilence de la misère, des choses, des latrines, des corps, mais aussi et surtout celle de la corruption des hommes au pouvoir, nouveaux maîtres du peuple toujours exploité.
L'air du large, c'est face à ces jouisseurs cyniques, et à ce peuple impuissant, un homme digne de ce nom, une conscience, que sa solitude voue au silence, au désespoir d'une lucidité ardente mais désarmée.
Dans cette oeuvre tragique _ puisque les plus nobles exigences de l'homme s'y heurtent à la brutale nécessité du monde comme il est _ un art d'une rare maîtrise donne une présence inoubliable aux choses, aux êtres, au malaise des esprits et au malheur d'un pays.
L'œuvre du romancier ghanéen Ayi Kwei Armah traite de la corruption et du matérialisme dans l'Afrique contemporaine.
Né en 1939 à Takoradi, dans la colonie de la Gold Coast (auj. au Ghana), Ayi Kwei Armah fréquente les écoles missionnaires locales, puis le collège d'Achimota. En 1959, il part aux États-Unis, où il termine son cursus secondaire à la Groton School, avant d'obtenir une licence à l'université Harvard. Le jeune Armah travaille ensuite comme scénariste, traducteur et enseignant d'anglais dans divers pays, notamment en France (à Paris), en Tanzanie, au Lesotho, au Sénégal et aux États-Unis.
Dans son premier roman, The Beautyful Ones Are Not Yet Born (1968, L'âge d'or n'est pas pour demain), Ayi Kwei Armah dénonce la cupidité et la corruption politique qui règnent dans un État d'Afrique indépendant depuis peu. Dans l'ouvrage suivant, Fragments (1970), un jeune Ghanéen du nom de Baako rentre au pays après avoir vécu aux États-Unis. Désabusé par le matérialisme qu'a généré le monde occidental ainsi que par la décadence morale qu'il voit sévir autour de lui, il se trouve déchiré entre les nouvelles revendications de son pays natal et le lien avec le passé traditionnel et le monde des ancêtres qu'incarne Naana, sa grand-mère aveugle. Les thèmes du retour et de la désillusion réapparaissent de façon encore plus manifeste dans Why Are We So Blest ? (1971). Dans Two Thousand Seasons (1973), l'écrivain recrée le langage propre aux chants funèbres et aux prières d'Afrique pour retracer le passé de ce continent, qu'il présente comme empreint d'une certaine perfection avant qu'il n'ait été exploité par les Arabes et les Européens.
L'intégralité de l'œuvre d'Ayi Kwei Armah accorde une place centrale au fossé moral et spirituel qui ne cesse de croître dans son pays natal entre les apparences et la réalité, l'esprit et la matière, le passé et le présent.