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« Qu’importe qui parle », s’interrogeait Michel Foucault, à la suite de bien d’autres, dans sa critique radicale de l’idée d’auteur. Il engageait ainsi le débat sur le diagnostic de la littérature et suggérait la nécessité d’une lecture éthique, voire archéologique des modes de production du savoir pour déchiffrer « l’ordre du discours ». La démarche intellectuelle de l’auteur s’inscrit dans cette logique mais se voudrait différente car allant au-delà de l’analyse structurale du récit pour embrasser des problématiques aussi diverses que le politique, le sociologique, le psychologique ou même la perspective subjective à partir de laquelle il articule son point de vue.
Peu de ses prises de position sur l’Afrique sont innocentes. La passion qui les anime est celle de l’indignation. Son public virtuel étant d’abord africain, il essaie de se tenir à bonne distance des canons traditionnels de l’esthétique littéraire – quand il ne lui tourne pas résolument le dos – de façon à ne pas succomber à ce que Jean-Marc Ela appelait « la crise du regard » (occidental) sur le continent. Il fallait non seulement débusquer l’ésotérisme des vérités uniques et de la transcendante « raison » des autres, mais aussi questionner les fonctions normatives de la critique littéraire. Il fallait ignorer de nombreuses règles souvent non écrites mais bien prégnantes.
En renonçant donc à assujettir les productions culturelles d’Afrique et de la Diaspora à « l’odeur du père », Ambroise Kom a refusé de penser par procuration. Car il ne s’agit pas d’attendre une manne qui tomberait d’un improbable ciel ou d’un messie qui viendrait nous sauver d’une quelconque malédiction, mais de décrypter les enjeux qui nous interpellent, et de contribuer à énoncer une africanité susceptible d’élaborer sereinement une (post)modernité alternative.
Naturellement, cette démarche de résistance et de dissidence ne pouvait s’opérer sans risques : elle a conduit à affronter quelques écueils et à assumer quelques cicatrices. Il espère cependant qu’elle aura contribué à la réévaluation des conditions de parole. L’objectif ici est l’élargissement du champ d’investigation des études littéraires et culturelles africaines et le renouvellement des modes de pensée de soi.
Ambroise Kom est professeur de littérature et titulaire de la Eleanor Howard O’Leary Chair in French and Francophone Studies au College of The Holy Cross à Worcester (Massachussets, États-Unis). Il a enseigné précédemment les littératures africaines, africaines américaines et caraïbes dans des universités aux États-Unis, au Canada, au Maroc et au Cameroun. Il a également été professeur invité en Allemagne, en France et en Afrique du Sud. Auteur d’ouvrages sur Chester Himes, George Lamming, Mongo Beti, ainsi que sur les enjeux culturels de la condition postcoloniale en Afrique, il a aussi dirigé plusieurs travaux collectifs. Il est membre fondateur de l’Association pour l’Éducation et le Développement, à but non lucratif, qui a créé l’Université des Montagnes à Bangangté, Cameroun.